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jeudi 9 décembre 2010

Jour 130 - 21/10/10

J’ai lu un jour un roman de l’écrivain de science-fiction Philip K. Dick dans lequel la menuiserie était devenue une religion. Je crois commencer à comprendre ce qui a pu lui donner cette idée. Il y a quelque chose dans le travail du bois qui à la fois apaise et incite à l’introspection.
Le cheminement – au même titre que la destination – est si naturel dans le maniement du bois ! Là où il est si confus dans le maniement de la vie.
Je mesure, dessine sur les planches, découpe, visse, cloue, colle, assemble.
J’obtiens.
Au cours de ces journées bénies, mon existence est guidée.

Je ne sais pas du tout si mon ami partage ces sentiments.
Tout à notre tâche, nous parlons peu. Il n’y a, ma foi, pas grand-chose à dire.
Je laisse donc mes pensées vagabonder indolemment, suivant le rythme et l’humeur que la musique – nous avons installé une enceinte dehors – m’impose.
Je rêve beaucoup de nos futurs combats. J’ai une lance ou un sabre. Lui est souvent poings nus et esquive habilement mes larges attaques. Ses ripostes me surprennent presque à chaque fois, et il me faut accélérer encore et toujours. Tandis que je trace à la règle l’avant de mon plastron, il m’arrive de sentir mes épaules se contracter par réflexe ou de me surprendre à penser obsessionnellement  « Concentre-toi plus ! Tu peux voir ses mouvements ! Contrôle chacun de tes gestes ! ». Nos coups deviennent rapidement impossibles et je suis bientôt en équilibre sur la pointe de ma lance, tourbillonnant à une vitesse surhumaine, à préparer une botte imparable dont j’ai le secret. Lui attend, tranquillement goguenard, sûr de son invincibilité. Les nombreux spectateurs  – ces fantasmes sont de terribles détecteurs de vanité – s’écartent en toute hâte. Les pierres se fendent. Notre-Dame tremble. Je suis prêt.
Je frappe.
Et la scène se dissipe dans une intense lumière blanche … dont sort un célèbre acteur qui veut acheter l’armure pour une somme exorbitante !

Indubitablement, je vais bien.

Plus tard, je reviens au bois. A l’artisanat. A la création.
A l’inoxydable amour porté à tout ce qui nait de nos mains.
Un nouveau désir, une nouvelle destinée, jaillit de mes entrailles.
Artisan intangible ! Je veux être un artisan de l’intangible.
Apprendre à mesurer, dessiner, découper, visser, clouer, coller, assembler l’Irréel brut pour en faire des armures fantastiques.
Contre l’infâme monotonie et l’absurde normalité.
Façonner l’existant pourrait finir par me lasser, mais l’inexistant ? Je crois la discipline inépuisable. Allègrement mère de quoi me transporter jusqu’à ... oh ! Jusqu'à loin.

Des mesures évidentes seront à prendre au sortir de ce projet !
Je dois trouver de la matière première. Je dois trouver une carrière d’Irréalité.
Mais bien sûr, cette armure-ci, bien que réelle, est déjà une forme de lutte contre l’habitude ... Et je l’ai à peine commencée !
Allez. Un peu de calme. Je me disperse.
C'est que voir l'armure se former petit à petit devant mes yeux est diablement enthousiasmant !
 
Dormons.

P.S. Je consigne ici une image de l'armure afin de pouvoir mesurer plus tard mes avancées.



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