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dimanche 5 décembre 2010

Jour 100 - 21/09/10

Cent jours !
Cent jours que j’ai pensé l’armure pour la première fois. Quatre-vingt-dix-neuf rotations de la Terre sur elle-même qu’elle peuple mes pensées.
Un peu plus de trois mois.
Un centième de ma vie jusqu’ici !

En manipulant ces diverses interprétations d’une période aussi interminable qu’instantanée, je réalise que rien dans ce journal – aucun schéma, aucune illustration – ne permet de vérifier que je n’affabule pas totalement.
J’ai dit avoir dessiné des plans, mais quelqu’un tombant sur ce cahier s’attendrait sans nul doute à les voir apparaître.

J’imagine très bien cet homme. Il porterait un chapeau haut-de-forme, une épaisse moustache et des bretelles d’un rouge éclatant. Il se serait assis une minute dans cette chaise à l’allure confortable pour s’éponger le front et, incapable de se reposer calmement, aurait commencé à vider distraitement les tiroirs du bureau afférent. Bientôt, il aurait trouvé ce carnet, disposé précautionneusement sous le pistolet.
Une dizaine de minutes de « Ho ! » bourgeois infiltrés par quelques « Le drôle ! » railleurs l’auraient amené à la mention des croquis.
La scène aurait alors intégralement changé.
Touche-à-tout comme n’importe quel gentilhomme respectable, le curieux aurait senti son âme de bricoleur s’enflammer soudainement. Dessus son ventre rond, sous ses gros doigts fébriles, mes pages se seraient brusquement animées, ondulant de ci de là au rythme de sa lourde respiration – plus pressée à mesure qu’il perdrait patience devant cette succession sans fin de lignes stériles.
Finalement vaincu, à bout de souffle, furibond, il aurait malgré tout réussi à mobiliser les dernières forces de sa formidable poitrine pour jeter sa lecture à terre et tonner sa frustration !
« Enfer ! Mais où sont-ils donc ?! ».

Enfer !

Plus préoccupant que le sort de cet irascible inconnu illusoire peut-être, le fait que je n’aie effectivement en cent jours avancé que de quelques coups de crayons dans mon projet.
Quoique …
Maintenant que je l’ai couchée sur le papier, l’idée ne me dérange aucunement.
Elle me rappelle même beaucoup un tableau que j’avais peint il y a quelques années, à l’aide même de la technique que j’utiliserai pour peindre l’armure.
Ce tableau, intitulé La vie rêvée des hommes, est séparé en deux en son milieu.
Sur sa partie supérieure, on voit sur fond blanc un arbre noir duquel pend une unique pomme rouge. Un homme est confortablement adossé au tronc de cet arbre. Détendu, la tête en arrière, il a une main posée – paume vers le haut – sur l’un de ses genoux : il attend que la pomme tombe.
La partie inférieure est un miroir de l’autre, à cela près qu’elle se situe dans un monde de ténèbres. Sur fond noir, l’homme est devenu squelette et l’arbre est devenu racines … La pomme est restée pomme.
Le squelette, heureux, sourit.

Tel que je l’entends, ce tableau illustre un mode de vie extraordinairement attirant : la poursuite déterminée et paresseuse d’un rêve inaccessible.
Physiquement agréable, excellent pour le moral, base d'une philosophie excitante et émerveillée !
La vie rêvée d'un homme.
Et tant pis si on en meurt ! L'univers aura peuplé notre imagination.

Mais l’armure est constructible.
Et bien que l’idée d’un journal sur une armure qui jamais n’apparaitrait a ses attraits, ainsi que celle de faire enrager d’imposants notables, Octobre approche et je commencerai très bientôt à travailler le bois. Schémas, illustrations et notes artisanales afflueront donc sous peu.

Parbleu !
Perché dans mon hamac, j'ai déjà retroussé une de mes manches !
Peut-on concevoir meilleure preuve ?


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